Jean-Michel Archaimbault, d’après J. & D. Le May
Rivière Blanche, collection Blanche, 12/2013, 384 p. € 25,00
Il fallait bien qu’un jour ou l’autre Rivière Blanche en vienne à rendre hommage à Jean-Louis Le May puisque c’est la vocation de cette maison. C’est désormais chose faite. J-Michel Archaimbault et ses collaborateurs (JMA+) ont choisi pour ce faire la partie du corpus consacrée au space opera et au contexte que Le May a construit pour y inscrire ces romans. Un contexte dont les éléments principaux sont Interco, la Centrale de Surveillance et la Fédération Galactique. JMA+ ont choisi une description strictement factuelle de cet univers qui a les défauts de ses qualités. Par description factuelle, il faut entendre une relecture minutieuse du corpus accompagnée d’un relevé systématique et exhaustif des éléments caractéristiques. Ainsi des ouvrages en apparence fort éloignés du corpus, tels que Demain Le Froid (qui est un roman catastrophe du futur proche) s’y voit rattaché parce qu’il y est fait allusion à Marslovsk (la ville souterraine martienne où sera installé le siège d’Interco). Sans rattacher explicitement Yetig de la nef monde au corpus, ils notent des éléments communs avec Sept Soleils dans la Licorne (publié sous la signature de Jean-Louis Le May) Et pourquoi pas Ald’Haï, dans ce cas ? Le contexte fédération galactique/Interco/ Enquêtes Galactiques est typique de la première signature de l’auteur : J. & D. Le May au même titre que les Chroniques des Temps à Venir (une véritable histoire du futur pour le coup) l’est de la signature Jean-Louis Le May. Seul la troisième série, les Contes et Légendes du Futur est répartie sous les deux signatures.
Cette description factuelle du contexte a conduit JMA+ à l’erreur la plus grave de l’ouvrage. En effet, l’absence d’un élément factuel les a amené à ne pas reprendre dans ce volume la splendide nouvelle Sur les Thalles Bruns des Algues Marines (in Territoires du tendre, Yves Frémion, Denoël, Présence du Futur). Cette nouvelle est un spin off d’Arel d’Adamante et le premier paragraphe est tout simplement la description de l’illustration de couverture de Gaston de Sainte Croix pour ce roman ! Ce qui nous amène à un autre défaut, plus général. Le May a élaboré un contexte pour ses space opera dont JMA+ ont tenu à faire une « histoire du futur » tirée par les cheveux en interpolant les rares dates trouvées au gré du corpus, les numéros des explorateurs et le nombre de planète fédérées. Or, on peut lire (p. 243) à propos d’Enigme aux Confins que l’explorateur 1512 Koh-Som-Nor a été porté disparu en 8006 ! Et Pan ! Voilà qui gâche le propos des auteurs. Et avant 8000, pas d’exploration !?
L’ouvrage est composé de trois parties. La première dont on vient de voir les défauts est consacrée à la description du contexte. Un premier article cerne le corpus analysé dans l’ouvrage. Le deuxième de Didier Reboussin établit un parallèle entre Interpol et Interco. Vient ensuite un essai thématique de JMA qui fait doublon avec le septième « Contenu des romans Interco/fédération » qui comprend pour chaque livre la quatrième de couverture, un résumé, et le découpage séquenciel. Le 6° fait l’objet de la chronologie contestée ci-dessus. Dans le 4°, Patrice Lajoye revient sur la particularité qu’il y avait a écrire pour le Fleuve Noir et Dans la 5°, JMA livre un biographie sommaire de Jean Cauderon (nom d’état civil de J-Louis Le May).
La seconde partie est une recension exhaustive ou se voulant telle des termes spécifiques utilisés par Le May dans le contexte Interco/fédération. Du factuel par excellence. Ces éléments constituent une « bible » pour qui voudrait écrire des pastiches de Le May. On y trouve un tableau du nombre d’éléments crées par Le May dans diverses ruriques : Personnages, Peuples, Vaisseaux, Faune, Planètes etc… environ 2430 termes.
La troisième partie comprend sept nouvelles dont un auto-pastiche sans grand intérêt de Le May lui-même, Contrebande, situé dans le contexte d’Irimanthe. La deuxième, de Reboussin, constitue un ultime chapitre à La plongée des Corsaires d’Hermos dont, le moins que l’on puisse dire est qu’elle manque de cohérence. Pourquoi l’accident du Chasseur ? Pour faire court ? J-M Lofficier, dans Sous l’œil sanglant de Céphée, nous conte la genèse de Solcher, le génie criminel des Drogfans de Gersande sans respecter l’esprit de Le May. On a bien les personnages mais pas le pastiche, pas la manière de… Amanta et les Prills d’Alain Blondelon renoue avec Amanta la Djark, criminelle d’envergure également mais on la retrouve ici, après les événements contés dans La Chasse à l’Impondérable (Joli titre à double sens). Ici encore, même défaut de construction que dans Le Destin d’Hermos. On se demande à quoi sert Hager ? De JMA, Hiériconta, extra muros où l’on retrouve Elvette Perrywinckle, l’autre agent d’Interco infiltré dans l’empire des Hydnes de Loriscamp. Une enquête à bord d’un transgalactique qui n’est pas sans rappeler Terminus Formalhaut de Nicolas Bouchard (Encrage). L’un des meilleurs textes présentés ici. Les parallèles de Babel de Patrice Lajoye, reprend le schéma des Fruits du Métaxylia sans plus d’intérêt que ce roman qui l’un des très rares Le May à être mauvais. Et pour finir Un péan pour les Ogharites de Marie Loresco qu’s’inspire des contes et légendes du futur tout en les rapprochant d’interco est plutôt une réussite même si, là encore, les tenants les aboutissants ne sont pas explicités comme ils le devraient. Qu’en est-il des pirates abattus par Interco ? Pourquoi le Cœur de Nef traînait-il sur un marché ?
Voici un ouvrage absolument passionnant malgré, ou peut-être à cause, des innombrables point de divergences que l’on peut avoir avec ses auteurs qui rendent un hommage plus que mérité à J. & D. Le May. C’est un livre qui comblera les fans, évidemment. C’est une énorme somme de travail qui nous laisse la « bible » indispensable à qui voudrait écrire des pastiches de J. & D. Le May. Pour un public choisi.